Haïti: insécurité foncière, un mal incurable
Au nombre des maux qui rongent la société haïtienne, figurent les conflits terriens, les cas de spoliations. Nombreux sont ces genres de dossiers qui sont reçus dans certains tribunaux de la capitale comme dans les villes de province. Les témoignages à ce sujet sont multiples. Malgré la mise en place de la Brigade Contre l’Insécurité Foncière (BRICIF) le problème demeure et prend des proportions à travers les recoins les plus éloignés du pays. Haïti :Insécurité foncière, un mal incurable, un dossier de Presslakay.

Le problème foncier ne date d’hier. Selon certains historiens, il serait l’une des causes de l’assassinat de Jean Jacques Dessalines, père Fondateur de la Patrie haïtienne. Si depuis 1804 le problème existe et faisait des morts, aujourd’hui encore ceux qui ont la possibilité d’acheter un terrain se livrent dans un combat pour l’avoir réellement.
» Je vis à Port-au-Prince depuis 1996. Je suis un agent de sécurité qui travaille très dur pour prendre soin de ma famille. J’ai économisé pendant plus de dix ans de l’argent pour pourvoir acheter un terrain dans une zone de la banlieue Nord de Port-au-Prince. J’ai acheté, j’ai payé. J’ai mes papiers en main. Six mois après, j’avais décidé de faire la clôture du terrain. Et quand je suis arrivé. Une construction était déjà commencée. La personne qui a commencé cette construction a elle aussi ses papiers en main. Quand je fais le nécessaire pour rencontrer celui qui m’avait vendu le terrain, j’ai failli perdre la vie. Des hommes armés surviennent et me demandent de partir sur le champs et de ne plus revenir. Ne pouvant plus rien faire je n’ai même pas entamé de procédures judiciaires », raconte Gérard Ylaire.
À Kenscoff, le problème bat son plein. Pour un seul terrain dix personnes peuvent se présenter avec leurs titres de propriété en main. Même cas de figure pour des zones comme Tabarre, Vivy Mitchel et les autres contrée du pays.
» Avant mon départ pour l’étranger, j’avais acheté un terrain en collaboration avec un de mes frères non loin de la ville des Cayes. Après l’achat du terrain nous n’avions pas eu de moyens pour construire sur le champ. Aujourd’hui un autre citoyen réclame le terrain. Il a lui aussi ses papiers en main », raconte ce jeune Cayen vivant dans un pays de la Caraïbe.
Des autorités participent dans les vols de terrains
» L’une des raisons pour lesquelles il sera difficile de finir avec cette pratique de vol de terrains en Haïti, c’est par le fait que ceux qui volent sont des autorités assez souvent. Ils prennent de force les terrains et ils ont des notaires, d’arpenteurs pour faire le travail. Le système judiciaire n’est pas encore prêt à traiter de tels dossiers. Car les juges sont aussi des acteurs dans ce phénomène de vol de terrain », nous dit un greffier travaillant au palais de justice de Port-au-Prince, sous couverture d’anonymat.
« Aux Cayes, la division entre le Commissaire Ronald Richemond et les avocats qui décident de ne plus collaborer avec lui a son origine dans la bataille déclenchée par le Commissaire contre les avocats spécialisés dans la spoliation. Ronald Richemond se lance non seulement dans la chasse des hors la loi avec armes mais aussi les hors la loi avec costume », nous confie Ourdy Lorcy journaliste évoluant dans la ville des Cayes.
« Et ceci nous venons de perdre un jeune qui avait acheté un terrain avec l’objectif de construire un supermarché, il a été tué dans des conditions assez tristes. Celui qui avait volé son terrain c’est un avocat au barreau d’Aquin », regrette le journaliste.
La Brigade d’Intervention Contre l’Insécurité Foncière n’existe que de nom
C’est l’administration de Jovenel Moïse qui en 2018 avait mis sur pied cette entité dans le but de lutter contre les cas de spoliation qui montaient de manière exponentielle dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince notamment.
Avec la mise sur pied de cette Brigade, la population pensait qu’elle allait avoir un répit avec la multiplication des cas de spoliation, mais plus de trois ans après, le pays s’en gouffre un peu plus dans le problème.
Et avec la montée des actes d’insécurité qui prennent un peu plus d’ampleur dans le pays, les cas de spoliation ne cessent d’augmenter devant l’impuissance et/ou la volonté manifeste des autorités de tout niveau d’exproprier les plus faibles.
À quand la fin de ce phénomène aussi ancien que la fondation du pays ? C’est cette interrogation que se pose plus d’un. Si chaque gouvernement qui arrive manifeste sa volonté de résoudre le problème, avant de partir, il s’est renforcé. Insécurité foncière en Haïti, un mal incurable pour la justice haïtienne.