Haïti-Société: Les bandits, les nouveaux juges
Mis à part piller, voler, tuer, enlever, les chefs de bandes jouent d’autres rôles dans le milieu social haïtien. Dans les quartiers contrôlés par les bandits, ce sont eux qui dictent leurs lois. C’est à eux que revient la distribution de la justice. Selon la culpabilité, ils connaissent le niveau de sanction donnée. Habitant Simon-Pelé, Adèle revient sur la vie dans son quartier et se confie sur le nouveau rôle joué par les civils armés.

Si à la radio, on parle de la justice en Haïti, ce mot ne renvoie pas dans tous les cas à son sens premier. Dans certains quartiers de la capitale, la justice est absente. Et pour pallier ce manque, ce sont les bandits qui tranchent les différends entre les particuliers. Personne n’est autorisée à porter plainte contre une autre dans un tribunal.
» S’il est vrai que Simon Pelé, situé sur la route de l’Aéroport est connu comme une zone de non droit par le fait qu’il y a des civils armés qui le contrôlent. Moi, j’y vis depuis plus d’une dizaine d’années. Ma famille n’a jamais laissé malgré des difficultés rencontrées. Une fois que vous respectez les principes établis par les chefs, chacun fait sa route dans les limites des règles fixées par ceux qui dirigent », a expliqué la jeune fille avant de poursuivre:
« Dans d’autres zones, j’ai entendu parler de cas de viols où des jeunes filles sont victimes. Là-bas, il n’y a pas ces genres d’histoire. Je n’ai pas entendu d’autres jeunes filles qui en parlent. Cependant, il y a des jeunes filles qui préfèrent être avec eux que d’être avec les jeunes qui sont dans la zone mais qui ne sont pas membres de gang », a t-elle ajouté.
Les civils armés tiennent place de la justice
Autrefois, dans des quartiers où la justice n’est pas représentée, ce sont les notables du quartiers qui étaient souvent utilisés pour trancher les differends entre les personnes en conflits au cas où le dossier ne dépasserait pas la compétence des notables. Aujourdhui la donne change. Et Adèle vit cette expérience dans son quartier.
» Comme pour d’autres quartiers, il n’est pas facile que vous portez plainte pour une personne avec qui vous avez un problème. Si quelqu’un vous fait quelque chose, c’est le chef de la zone qu’il faut voir. Vous allez lui dire ce qui s’est passé et lui il fera les suites nécessaires. S’il faut affronter les deux sont cloches il peut prendre un rendez-vous avec vous deux pour trancher. Les cas échéant, il peut y avoir de sanctions selon la gravité de l’acte », précise la jeune fille.
« Un jeune homme avait acheté une motocyclette entre les mains d’un autre jeune du quartier. Il n’a jamais décidé de payer le montant. Des mois après, voyant qu’il n’avait pas de volonté pour honorer sa dette, le vendeur a déposé une plainte contre lui. Le chef lui a donné un ultimatum d’une semaine pour payer. Et c’était sans se plaindre qu’il a trouvé l’intégralité de la somme exigée », a t-elle racontée.
Ceux qui refusent d’obtempérer sont souvent victimes de la fureur de ces hommes. « Et c’est pourquoi moi et ma famille, nous vivons non dans la peur mais dans le respect des normes fixées par les chefs car nous voyons que ce sont eux qui dirigent », a t-elle souligné.
D’autres personnes contactées dans le cadre ce travail confirment effectivement que ce sont ces hommes armés qui tranchent les différends entre les particuliers. Personne n’a le droit de traduire en justice quelqu’un d’autre.
Et dans de nombreux cas, les sanctions contre des personnes accusées peuvent aller jusqu’à la mort.