Jacques Pierre Matilus

Je m’adresse à vous, pauvres énergumènes de la République, buveurs de sang des innocents, tueurs à gage, fers de lance du chaos haïtien, théoriciens de la politique de la terre brûlée, bras armés de l’establishment, non pour accabler votre conscience, puisque vous n’en avez pas, mais pour pointer le degré de votre bestialité et de votre déshumanisation. Vous avez décidé d’assassiner lâchement un homme libre par sa pensée de justice sociale, honnête par sa crédibilité d’action, patriote par son implication dans la res publica, parce qu’il a refusé de se soumettre à votre folie meurtrière, parce qu’il a choisi de mourir débout au lieu d’implorer votre pitié ou de suivre vos recommandations mortifères.

Toute sa vie, il s’est engagé à défendre les déshérités, à dénoncer et combattre les injustices sociales, à travailler pour l’émergence d’une société haïtienne solidaire où tout le monde a le même droit à la santé, à l’éducation. Il s’est battu pour vous et, vous l’avez abattu comme un chien parce que vous êtes aveuglés par les éclats de violence, de paradoxe, de méchanceté dont vous êtes les dépositaires. Sachez-le bien, vous n’aurez pas ma haine, vous ne la méritez pas, elle est réservée aux hommes de mauvais aloi, non pas à des lâches, des sous-hommes, des fossoyeurs de l’intelligence. Néanmoins, vous aurez ma honte, celle de faire partie de la même patrie que vous et vos descendants.

Vous avez éteint un esprit brillant de notre temps parce que vous éprouvez du plaisir à vous déambuler dans les ténèbres, à vous vautrer dans la crasse… Des malfrats, s’abritant dans leur tour d’ivoire, vous ont armés pour défaire la République, assassiner vos congénères, instaurer une instabilité chronique et provoquer votre propre déchéance. En toutes occasions, vous brandissez vos mitraillettes comme des trophées ou des prises de guerre qui vous procurent de la fierté ou du respect. Il faut savoir qu’à chaque fois que vous utilisez ces armes contre vos frères et vos sœurs, vous creusez en même temps vos tombeaux, vous cessez d’être des hommes, des Haïtiens libérés de la servitude. Vous pouvez encore revenir dans la communauté des hommes en renonçant à la barbarie, à la boucherie ; Arrêtez le massacre, déposez vos armes ; l’heure est venue de vous racheter, pensez à vous, à vos proches et vos voisins.

Dans le bassin caraïbéen, Haïti est le seul pays en proie à ce déchainement de violence ; ce ne sont ni des prédateurs étrangers ni des envahisseurs venant d’une autre planète, ce sont des Haïtiens qui assassinent, découpent, décapitent d’autres Haïtiens. Quelle honte ! Pendant ce temps, les détenteurs du levier économique et du pouvoir politique envoient leur famille se réfugier à l’étranger, s’instruire dans les plus grandes universités occidentales, se soigner dans les centres hospitaliers les plus réputés du monde. Mais, vos proches croupissent dans la promiscuité, subissent les contrecoups des choix politiques désastreux, meurent dans l'indifférence générale, faute de soins. Avez-vous encore le courage de vous regarder dans un miroir ? Malheureusement, les monstres ne savent pas comment se tenir devant un miroir.

Pour une fois, pensez aux conséquences de vos actes. Quel destin vous réservez à vos enfants quand vous égorgez ceux qui ont choisi de rester au pays pour servir, éduquer et offrir une alternative à la jeunesse haïtienne ? Le sang de Matilus ne doit pas couler en vain. Réfléchissez ! Puisse son sang vous ramener à la raison pour qu’à la place des cercueils, s’érigent des corbeilles de fleurs, à la place des armes, se dressent des champs de végétations, à la place des larmes, se dressent des torrents et des chants de liberté.

Ronald Pierre